L’exposition « Faléa, la menace d’une mine d’uranium » s’est ouverte ce mardi 18 juin à 19 Heures dans le Hall Altiero Spinelli du Parlement européen à Bruxelles. Elle a été marquée par trois interventions : celle de Mme Gabi Zimmer, Présidente du Groupe de la Gauche Unie au Parlement européen, Mme Michelle Rivasi, membre du Groupe les Verts-Alliance Libre Européenne (ALE) et Nouhoum Keita, Secrétaire à la Communication de l’ARACF.
A l’ouverture de l’exposition, Gabi Zimmer et Michelle Rivasi ont situé le cadre de cette exposition et les raisons de leur soutien aux initiatives de l’Association des ressortissants et Amis de la Commune de Faléa. Le Secrétaire à la Communication de l’ARACF, Nouhoum Keita, a exprimé sa joie d’être présent à cet évènement.
Il a vivement remercié les partenaires de l’ARACF comme la CRIIRAD, le Forum Civique Européen, la Lüchow-Dannenberg, organisation citoyenne allemande, représentée officiellement à cette exposition à travers Günter Hermayer, la Ville de Genève et surtout les deux groupes parlementaires européens qui ont rendu possible cette exposition. Il a affirmé que dans le contexte politique du Mali, les enjeux essentiels sont aujourd’hui la question de la terre, celle du contrôle des ressources naturelles et stratégiques, la répartition juste et équitable du revenu national.
Il dira que la nouvelle loi d’orientation agricole au Mali reconnaît la propriété coutumière. Mais, ajoute-t-il, « l’Etat tolère cette propriété coutumière jusqu’au moment où il en n’aura besoin lui-même pour cause « d’utilité publique ». C’est-à-dire, pour mettre en place des programmes publics ou des projets d’exploitation avec les investisseurs étrangers. Les communautés locales n’ont pas le droit de refuser l’implantation de ces projets. Elles peuvent juste obtenir des compensations en fonction de leur capacité de négociation. Par exemple, un paysan qui a sa terre dans un périmètre octroyé par l’Etat pour une durée de 25 à 30 ans à une société minière, ne peut pas s’opposer en vertu du code minier du Mali à l’accès de l’exploitant minier au sous-sol où se trouve son champ. Il est obligé de partir. C’est à lui de négocier avec la société minière la compensation. De fait, c’est-à-dire dans la pratique, il sera exproprié » précise Nouhoum Keita.
Sur la question relative aux conditions d’accès à la terre en milieu rural, Nouhoum Keita soutient que « dans la vision des communautés villageoises, la terre, les eaux, les forêts et les autres ressources naturelles n’appartiennent à personne, c’est un don de la nature et un patrimoine commun qui doit être à la disposition de tous les membres de la communauté. Autrement dit, c’est un bien commun, source vitale pour tous. Les communautés locales s’organisent pour que tout le monde puisse y avoir accès et que l’harmonie soit assurée dans la réalisation de toutes les activités de production et d’échange et dans le fonctionnement de la société. C’est pourquoi, dans plusieurs régions du Mali, les autorités traditionnelles, (chefs de village) ou des familles spécialisées, en général les familles fondatrices, sont chargées de veiller à l’application de ces règles. Les démarches protocolaires (informations, présenter des colas ou des poulets) ont pour but de vérifier l’application de ces règles. Mais à Faléa, cette coutume ne s’impose même pas. Puisque l’espace foncier est suffisamment vaste (400 KM2) et la population n’est que de 17.000 Habitants. Il y’a la possibilité de s’installer sans gêner les autres et après plusieurs années d’exploitation de laisser reposer la terre pendant 5 ans et plus, puis d’aller s’installer ailleurs ».
Cependant, il a tenu à faire la différence entre le phénomène de bradage de la terre tel qu’on le voit dans les grandes villes du Mali et dans les régions rurales. Selon lui, ce phénomène existe et il est très accentué dans les milieux urbains, mais pas en milieu rural. Au Mali, « la spéculation foncière est devenue un sport national. Elle est encouragée par l’impunité qui existe au sommet de l’Etat. Les dirigeants (élus, administration publique) ou les opérateurs économiques font de la spéculation foncière une source d’enrichissement pour renforcer leur position dans l’appareil d’Etat, dans la sphère économique ou dans l’espace politique. Ce phénomène est d’autant plus inquiétant de nos jours qu’il pourrait, par ses conséquences, occasionner des actes de violence de la part de l’immense majorité de citoyens maliens qui en sont les victimes ».
S’agissant des sociétés minières qui exploitent les ressources minières au Mali, Nouhoum Keita a été catégorique : « La société minière n’a pas la propriété de la terre. Mais seulement la propriété du minerai dans le sous-sol durant la période de la concession 25 ou 30 ans. Donc les sociétés minières créent volontairement la confusion sur leurs sites. Il s’agit d’une concession et non d’une propriété. La terre et tout le domaine forestier avec toutes les autres ressources naturelles appartiennent à l’Etat qui tolère les propriétés coutumières, mais peut l’annuler à tout moment et, peut accorder des concessions à des exploitants privés. D’ailleurs, pour obtenir le permis d’exploitation, la société minière étrangère doit entrer dans une société de droit malien où l’Etat est actionnaire avec un pourcentage ridicule (minimum 10% gratuit et maximum 20%). Tout cet habillage juridique hypocrite masque le fait qu’en réalité, c’est la multinationale étrangère qui décide. Puisqu’elle est actionnaire majoritaire et qui tire le plus grand profit en pillant les ressources et en aggravant la pauvreté des populations ».
Avec la ruée des sociétés multinationales sur les ressources du Mali, le chargé à la communication de l’ARACF n’a pas manquer d’exprimer devant les députés européens venus nombreux à cette exposition, les vives inquiétudes des populations de la commune de Faléa en particulier, et du Cercle de Kéniéba en général qui voient leur espace vital se rétrécir comme une peau de chagrin. On n’assiste à une intensification de la délivrance de différents types de permis miniers à des opérateurs privés modernes provenant de l’étranger ou d’autres régions du Mali, et ce, sans la moindre information communiquée à ceux qui vivent et produisent depuis fort longtemps sur les lieux. A telle enseigne que les communautés résidentes vivent dans la crainte quotidienne de la réduction drastique des espaces où elles habitent, mènent leurs activités traditionnelles d’orpaillage, de production agricole, d’élevage, de chasse, de pêche et d’approvisionnement en eau pour la consommation domestique et d’abreuvage de leurs animaux. Bien pire : la menace d’être chassées de leurs terres ancestrales planent sur leurs têtes et suscitent chez elles le désarroi, l’incompréhension, un sentiment d’injustice inacceptable et de colère sourde.
L’Etat malien octroi des permis d’exploitation à tour de bras aux sociétés minières qui investissent même dans les zones où elles ne devraient pas intervenir. Aujourd’hui, se référant sur l’exemple de la Commune de Faléa, Nouhoum Keita a révélé le taux d’occupation des cinq aires protégées et des trois zones de mise en défend est extrêmement inquiétant. Par exemple Yirimalô est occupée à 40% par SOMAGECO et 60% par Kimberyadine ; la Falémé 60% par Xying Gold et à 20% par Touba Mining ; Kourouma à 30% par Robbex et à 10% par LONG FLEX et 7% par NED GOLD ; Tayakô à 55% par Touba mining et 10% par Delta Exploration ; Sirimakö à 53% par Merrex-Gold et 30% par Ned Gold.
C’est pourquoi, dans le but à la fois de conjurer une poudrière sociale et d’assurer l’atteinte de l’objectif de l’Etat malien à savoir maximiser l’exploitation des richesses de son sous-sol et, en même temps, fournir un développement durable et des emplois pour sa population, Nouhoum Keita insiste pour que l’Etat malien définisse instamment des « couloirs d’orpaillage » qui garantiraient aux populations des espaces de vie et d’activité minière propres à elles.
L’exposition s’achève jeudi prochain. En marge de l’évènement, Nouhoum Keita rencontrera d’importantes personnalités au Parlement et entamera une tournée dans plusieurs autres pays d’Europe.
De Bruxelles, la correspondance particulière de Hannes Lämmler – Forum Civique Européen
Source: Le Prétoire